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  • Photo du rédacteurCatherine Conconne

Discours d'Aimé Césaire à la Sorbonne à l'occasion du centenaire de l'abolition de l'esclavage






Le 27 avril 1948, G. Monnerville, alors président du Conseil de la République, L. Sedar Senghor et A. Césaire, députés, prononcèrent un discours à la Sorbonne.


Le ministère de l'Éducation nationale recommandait quant à lui aux recteurs d'organiser avec le concours des maîtres la commémoration de l'abolition. La circulaire était accompagnée d'une «Notice sur Victor Schœlcher ».


La commémoration fut perçue par certains de ses protagonistes comme la célébration d'événements figurant parmi les plus importants qu'aient vécu les populations coloniales : «c'est " 1848 " qui accomplit cette métamorphose humaine, réussite rare, sinon unique dans l'Histoire, en faisant de ces " propriétés pensantes " qu'étaient les esclaves des citoyens ».


Le transfert en mai 1949 des cendres de V. Schœlcher et de F. Éboué au Panthéon, alors interprété comme «double canonisation laïque (...), apothéose raisonnée de cette idée de liberté qui inspira les auteurs du décret du 27 avril et qui reste chère aux peuples de l'Union française » fut ressenti comme la consécration de l'actualisation des composantes historiques de la commémoration.


Le discours commémoratif, d'un siècle l'autre, rappelait aux assistants de chaque cérémonie que leur «foi dans les destinées de la Grande Patrie et de la République n'a jamais vacillé » : «1848 fait partie du patrimoine intangible de la France républicaine et de l'Union française. » Schœlcher, «conquérant d'âmes pour la France », héritier de l'abbé Grégoire, «père spirituel » de F. Éboué, était sans cesse évoqué : «Frères de France, c'est à vous qu'il appartient de poursuivre l'œuvre de Schœlcher! ».


Le texte des discours de G. Monnerville, L. Sedar Senghor et A. Césaire fut publié par les Presses Universitaires de France dès 1948, avec une introduction d'Édouard Depreux, ancien ministre de l'Éducation nationale. Estimant que «bien des leçons peuvent être tirées de cette commémoration », E. Depreux associait sans nuance I' «affranchissement général » du 27 avril 1848 «au principe même de la République », l'hommage à V. Schœlcher à celui qu'il convenait de rendre à F. Éboué, «exemple éclatant de ces Français d'Amérique, fils d'affranchis qui se jetèrent dans la lutte, non pas comme des mercenaires sans âme, mais comme des hommes qui, depuis Schœlcher et grâce à Schœlcher, ont compris qu'il n'est pas au monde de bien supérieur à la liberté » .


A. Césaire estima que «de tout ce qui à l'époque fut dit, fut fait, fut vanté, fut proclamé, rien ne subsiste, rien sinon très précisément cette chose sur laquelle les journaux de l'époque furent si peu loquaces : la suppression de cette institution qu'une barbarie civilisée avait pendant deux siècles instaurée et maintenue sur le continent américain : "l'esclavage des noirs" . Il soulignait en outre que I'«immense mérite de Victor Schœlcher » était en fait son «actualité » : «méditons quelques-unes des phrases les plus vigoureuses de cet homme admirable, dont il serait vain de commémorer la mémoire, si l'on n'était décidé à imiter sa politique ». Ainsi, I' «actualisation » de l'abolition de l'esclavage passait-elle, une fois encore, par l'hommage à Schœlcher, en tant qu'effet quasi exhaustif de la victoire remportée par ce dernier lorsqu'il «arracha » le décret d'émancipation aux autorités gouvernementales pourtant sollicitées par les représentants des colons en faveur du maintien du statu quo social et politique dans les colonies.

Césaire concluait :

«Quand on parcourt les campagnes antillaises, le cœur se serre aux mêmes endroits où se serrait, il y a un siècle, le cœur de Victor Schœlcher : les mêmes cases sombres et branlantes, les mêmes grabats pour les mêmes lassitudes, les mêmes taches de misère et de laideur dans la splendeur du paysage, les mêmes hommes mal vêtus, les mêmes enfants mal nourris, la même misère chez les uns, la même opulence aussi chez les autres, aussi égoïstes, aussi insolents; et si du point de vue politique, le vieux rêve de Victor Schœlcher a été réalisé, la transformation des vieilles colonies en départements, à voir certains événements récents, qui pourrait affirmer que l'administration elle-même a désappris totale¬ ment certaines méthodes que Schœlcher dénonçait il y a un siècle? ». Quant à G. Monnerville, il concluait : «Le geste de 1946 (vote de la loi de départementalisation) s'inscrit dans le sillage de celui de 1848. La même audace, la même noblesse s'attache aux deux ».








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