La dimension civilisatrice de la colonisation est une manipulation inacceptable !
Dernière mise à jour : 14 févr. 2023
Monsieur Éric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle, issu d’une famille de berbères algériens immigrés, estime que la colonisation a été « une bénédiction » et qu’elle lui a notamment permis de découvrir des auteurs français extraordinaires. A travers ses propos, Éric Zemmour réinvestit le fantasme que la colonisation aurait eu une vocation civilisatrice ayant permis de sortir les peuples qui l’ont subie de l’ignorance et de la barbarie. Cette affirmation est un mensonge ! La colonisation est née et a grandi pour servir des intérêts économiques. C’est la raison fondatrice de son existence bien que l’Église de l’époque et de nombreux intellectuels aient tenté et tentent encore de lui attribuer des vertus moralisatrices. On ne « civilise » pas en asservissant des peuples, en brisant des sociétés, en piétinant des cultures, en instaurant des régimes faits de violences, de tortures et d’anéantissement d'humanités. On nous répète, comme Monsieur Zemmour, que l’esclavage est un phénomène universel et qu’il n’y aurait donc là rien à se reprocher. C’est faux ! L’esclavage a existé dans différents lieux et à différentes époques mais il est loin d’avoir existé partout et tout le temps. Son apparition répond à des conditions économiques et culturelles précises qui ne sont pas universelles ! Et le fait qu’il y ait eu des esclaves chez les Grecs dans l’Antiquité ne retire rien à l’horreur de la traite négrière, ni au fait que la colonisation européenne ait contribué à structurer le monde tel que nous le connaissons et qu'elle continue de produire des effets qui expliquent en grande partie les rapports économiques mondiaux, les inégalités, la perception des peuples et des cultures. Cette histoire-là est encore présente aujourd’hui, sous nos yeux, c’est pourquoi nous devons avoir le courage de l’affronter. Il ne s’agit pas de culpabiliser les uns, de victimiser les autres. Nous n'aspirons pas à être des victimes, non ! Il s’agit simplement de comprendre qui nous sommes et d’où nous venons, les uns et les autres. Ainsi, peut-être, Monsieur Zemmour pourrait-il concevoir que ce n’est pas « grâce » à la colonisation qu’il a pu découvrir des auteurs français. Un pays n’a pas besoin d’en dominer un autre pour que les cultures se rencontrent ! Sortons de ce piège et affirmons, à la face du monde, que les cultures sont multiples, qu’elles produisent chacune des concepts, des idées, de la beauté… et que nous voulons l’universel mais un universel qui refuse l’uniformisation, qui refuse l’asservissement culturel et qui soit, comme le disait si justement Aimé Césaire, « un universel riche de tous les particuliers ».
Catherine CONCONNE Sénatrice de la Martinique
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